MERITE ET PATIENCE
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Reconnaissance de la nature essentielle de l'esprit (le 9ème Karmapa)

Reconnaissance de la nature essentielle de l'esprit

Lhaktong - La vision profonde

Chiné conduit le méditant à maîtriser les mouvements de son esprit et à le tenir focalisé en un seul point, sans distraction, faisant s'élever les expériences de clarté, félicité et non-conceptualité. C'est l'obtention de la stabilité mentale. L'esprit, étant au repos, devient souple et malléable, et le processus de reconnaissance peut être engagé.

Celui-ci est mené en deux temps :

1) observation et analyse, puis

2) reconnaissance définitive.

La partie traitée ici décrit le premier point : observation de l'esprit dans ses différents états, au repos et en mouvement, et analyse des qualités qui s'élèvent alors.

C'est la phase d'intégration effective des caractéristiques de l'esprit. Ce qui n 'était alors qu'une approche intellectuelle permettant de comprendre l'esprit cherché dans la méditation, est maintenant devenu la reconnaissance immédiate de ces éléments par l'expérience directe, issue de l'absorption méditative. Il convient de bien garder cette distinction présente a l'esprit afin de ne pas plaquer de conclusion intellectuelle hâtive sur les descriptions des expériences, ce qui laisserait de côté l'essentiel.

Ce texte, écrit par le 9ème Karmapa, Wangtchouk Dorjé, est avant tout un manuel de méditation et un guide pédagogique à l'usage du Lama instructeur. Il suppose une expérience préalable, de la part de l'instructeur, des situations rencontrées par le disciple.

Alors, pourquoi rendre publiques des informations destinées au Lama ?

La réponse est donnée par Guendune Rinpoché :

"Autrefois, le disciple recevait une instruction de méditation, puis il allait se retirer à proximité pour mettre en pratique les indications du Lama. Lorsqu'il croyait avoir obtenu l'expérience correspondante, après plusieurs jours de méditation, il revenait en rendre compte. Selon le résultat de ses recherches, le Lama lui donnait de nouvelles indications ou l'enjoignait à méditer avec plus d'efforts sur le même thème.

Ainsi, le Lama était certain des progrès de son disciple, et celui-ci était guidé pas à pas sans retard.

Maintenant, les conditions sont différentes. L'instructeur ne peut être présent de la même manière et le disciple n'a guère le loisir de pratiquer avec autant d'intensité et de suivi.

II lui est donc nécessaire de pouvoir apprécier la direction que prend son développement spirituel en comparant ses expériences avec celles décrites ici, ce qui n 'exclut pas qu'il en rende compte, le moment venu, à son Lama instructeur."

Ce texte illustre également le type de relations qui doivent s'instaurer entre maître et disciple pour que le résultat soit fructueux : compassion et discernement, habileté dans les conseils, de la part du Lama ; franchise, dévotion et confiance de la part du disciple, qui lui permettent de relater de façon simple et directe ses expériences sans tenter de les transformer.

Souhaitons que ce bref aperçu puisse donner une idée juste de cette relation, cœur du développement spirituel.



PREMIERE PARTIE

1 - OBSERVATION DE L'ESSENCE DE L'ESPRIT DANS SON ETAT FONDAMENTAL

Effectuez d'abord les pratiques préliminaires de façon concise, puis, de la même manière, parcourez les différents supports de méditation pour l'obtention de la stabilité mentale (Chiné), juste assez pour les garder en mémoire.

Ensuite, commencez par vous détendre, le corps dans la posture assise et laissez l'esprit reposer tel qu'il est dans son mode naturel :

placez l'esprit dans la radiance lucide, demeurez, l'esprit radieux, semblable à l'éclat du soleil dans un ciel sans nuages, demeurez, percevant tous les événements mentaux, conscient qu'ils sont l'esprit, de la même façon que les vagues sont l'eau ; demeurez, sans fixer comme existant l'aspect de clarté, à la manière, d'un enfant qui regarde l'intérieur d'un temple.

Dans cette dimension, considérez l'essence de votre propre esprit au repos et demandez-vous : A quoi ressemble son essence ? Quelle est sa couleur, quelle est sa forme, quelle est sa configuration ? Est-ce quelque chose de tangible ou d'intangible ? D'où est-il apparu, ou demeure-t-il actuellement, où disparaîtra-t-il enfin ? Est-il à l'intérieur de mon propre corps ou non ? Existe-t-il comme un objet à l'intérieur ou à l'extérieur du corps ? A quel aspect des six classes d'êtres peut-il être identifié ?

Observez l'essence de l'esprit et si vous découvrez qu'il existe quelque chose dont on puisse dire qu'elle a telle ou telle couleur, telle configuration ou telle essence, c'est bien (1). Si rien n'est trouvé, n'en restez pas là, mais continuez à examiner votre esprit encore et encore, avec une grande persévérance.

Lorsqu'on lui demande à quoi ressemble l'essence de l'esprit au repos, si le disciple répond : "A part le simple fait qu'elle est au repos, il n'y a rien qui permette de définir l'essence de l'esprit comme existant en tant que quelque chose", il faut alors lui demander si cet état de conscience indéterminé est une obscurité dense ou si c'est plutôt une lucidité vive, nue. S'il répond "la deuxième proposition", c'est qu'il a vu l'essence de l'esprit. S'il dit "c'est plutôt comme la première solution", il doit continuer son examen.

Lorsqu'il revient en rendre compte, demandez-lui quelle différence il y a entre l'état de calme antérieur et l'état actuel.

S'il dit : "Avant, lorsque l'esprit restait au repos, ma conscience était cotonneuse, comme suspendue, les manifestations mentales ternes, et j’étais dans une étendue inconsciente, expérimentée comme une détente achevée, affranchie de l'effort habituel visant à la produire. Cet état ne donnait pas une définition précise de l'objet, je demeurais seulement au repos, sans voir l'essence de la conscience connaissante, comme si la conscience pénétrait dans un trou. L'esprit était dans une perception opaque, sans lucidité, comme une mouche qui se fixe quelque part et ne bouge plus. Maintenant, la stabilité est claire, lumineuse, transparente, et n'est plus saisie comme un objet tangible."

Si telle est la réponse, le disciple a eu un aperçu de l'essence de l'esprit mais seulement de façon partielle.

S''il dit qu'il n'y a pas de différence entre avant et maintenant, il faudra lui dire que ce type de méditation ne fait que contenir les émotions et que, pour atteindre l'Eveil, on doit en outre développer dans le courant de l'être la conscience primordiale de la Vision Pénétrante. Aussi doit-il s'appliquer avec beaucoup d'insistance à la produire et pratiquer jusqu'à son obtention.

Si le disciple, bien que s'efforçant, ne parvient pas à obtenir la stabilité, il faut provoquer dans l'esprit un état d'agitation. Dans cet état d'agitation, il faut continuer à chercher : ce que nous appelons esprit, qui peut être dépourvu ou non de pensées, en mouvement ou au repos, quelle est sa couleur, quelle est sa forme, à quoi ressemble son essence ? A t'il l’apparence formelle d’un objet visuel ou existe t'il comme un objet des cinq sens (son, odeur, goût, toucher ou perception mentale)?A quoi peut-on le comparer ? Depuis le sommet de le tête jusqu’aux plantes des pieds, à quelle partie du corps peut-on l’associer ? Peut-on le situer dans le corps aux organes des sens, aux organes essentiels ( cœur, poumons, foie, pancréas, reins), aux membres, au visage, aux cheveux, etc…) Il faut examiner ainsi de haut en bas sans oublier la peau. Quand il est en mouvement, est-ce qu’il se projette en les cinq éléments et les six classes d’êtres ?(2) Analysez soigneusement afin de déterminer si l’essence de l’esprit, qu’il soit en mouvement ou au repos, est existante ou non-existante, les deux à la fois ou ni l’un ni l’autre.

2- TRANCHER LES DOUTES ET AVOIR UNE CERTITUDE QUANT A LA BASE DE L’ESPRIT.

Si l’on poursuit ainsi sans rien trouver, il faut répéter cette enquête soigneusement, s’efforcer encore et encore. Si alors rien n’est découvert, il faut se demander de quelle manière le chercheur lui-même existe. Quelle différence y a t'il entre l’esprit antérieur et l’esprit qui actuellement mène la recherche ? On doit analyser attentivement afin de trouver comment il apparaît, demeure et disparaît. On introduit un mouvement dans l’esprit et on observe s’il existe une différence entre l’esprit stable, conscient de toutes les impulsions mentales dès qu’elles s’élèvent, et l’esprit en mouvement qui suit l’une ou l’autre.(3) Ces deux esprits sont-ils une même chose ou non ? Si la réponse est qu’ils sont un, alors il y a reconnaissance de leur identité.

Imaginons un couple avec un enfant : quand l’enfant est dans les bras de sa mère, il n’est pas sur les genoux de son père et vice-versa, mais il peut aller et venir entre les deux. L’esprit est pareil à cela. Lorsqu’il est calme, il n’est pas agité et lorsqu’il est agité, il n’est plus calme. Mais c’est cet esprit unique qui fait le mouvement et le repos. Cela est la reconnaissance de l’identité du mouvement et du repos.

Certains, bien qu’ayant vu l’essence de l’esprit, ne sauront pas comment l’exprimer, parce qu’ils ne possèdent pas les termes du Dharma.

Pour cette raison, il est important d’examiner les limites exactes de leur expérience par une étude et des questions précises. D’autres n’auront pas d’expérience dans leur être, mais connaîtront parfaitement la façon d’utiliser les termes techniques du Dharma, qu’ils auront appris mais non expérimentés. Si ce sont simplement des mots entendus, ils ne seront pas capables de soutenir leurs propos, et il apparaîtra dans leurs discours qu'ils n'ont pas d'expérience réelle. Il faut apprécier le disciple à la mesure de sa propre expérience et le questionner en faisant preuve d'habileté dans les méthodes.

On peut examiner la base fondamentale de l'esprit en utilisant successivement les Onze Points à méditer :


1) recherche générale : recherche qui s'attache à poursuivre l'esprit dans son courant, à s'interroger sur son propre esprit : existe-t-il ou non ? Comment est son essence ? etc...

2) observation discriminante : recherche qui prend comme support les particularités telles que couleur, forme, etc...

3) analyse minutieuse : recherche progressive menée jusqu'à son terme concernant celui qui cherche aussi bien que ce qui est cherché.

4) stabilité mentale (Chiné) : ayant ainsi cherché, observé et analysé, on en vient à intégrer le fait que son propre esprit n'a pas de nature propre, et à intégrer de la même manière le fait que tous les phénomènes ne sont rien d'autre que de simples noms. Par cette intégration, on s'établit plus proche de la profondeur absolue de l'esprit.

5) vision pénétrante (Lhaktong) : recherche de l'essence même de cette stabilité (Chiné), et réalisation complète de cette essence.

6) les deux unis (Chiné/Lhaktong) : inséparabilité, indissociabilité des deux états.

7) clarté : si la torpeur ou la somnolence s'élève, penser à quelque chose qui cause de l'agitation dans l'esprit, pour le raviver.

8) non-conceptualité : si excitation ou agitation survient, s'exercer à appliquer sur soi-même les différentes méthodes pour ramener le calme.

9) équanimité : lorsqu'il n'y a ni torpeur ni agitation, demeurer dans l'essence de ce qui cherche et analyse.

10) sans interruption : rester uni à cet état fondamental sans jamais plus en être séparé un instant.

11) sans distraction : l'esprit devient encore plus discipliné dans cette union et rien ne peut plus le distraire, en aucune occasion.

Aucun sens véritable ne sera réalisé, si l'on s'en tient seulement à une simple compréhension de ces Onze Points, ou à un sens général.

Il faut que chacune des onze étapes soit produite dans l'esprit, qu'elle apparaisse dans le courant de l'être. Pendant la pratique elle-même et entre les sessions, il faut à tout moment continuer à examiner et analyser son propre esprit. Sans se départir de l'investigation, on doit tourner son regard vers l'intérieur en se demandant comment est l'esprit, que l'on marche ou que l'on se repose, etc... et le faire avec rigueur et sans distraction.

3 - LES INSTRUCTIONS DE RECONNAISSANCE, APRES AVOIR INTEGRE LA CONSCIENCE COMME ETANT VIDE.


- Trois types de méditants -



Les expériences ne s'élèvent pas de la même manière pour tous, mais selon le niveau de chaque individu.


a) II existe un type de personnes qui progressent "d'un seul coup", cela grâce à leur dévotion immédiate envers le Lama, grâce à leur précédente grande accumulation de mérite et à la légèreté des voiles qui obscurcissent leur esprit. Il leur suffit de prier leur Lama ou d'entendre le Dharma, ou de se trouver dans certaines circonstances qui ont une signification symbolique ou de méditer quoi que ce soit, pour obtenir la réalisation totale de celui des trois yogas supérieurs qui leur correspond (treudrel, ro tchik, gom me = "libre de projection", "saveur unique", "non-méditation"). Ayant parachevé également toutes les expériences appartenant au yoga inférieur (tsé tchik = "en un seul point"), cela s'élève en une seule fois.


b) Certaines personnes progressent "par à-coups". Ces personnes ont pratiqué et purifié antérieurement et sont, dans cette vie, douées d'un esprit supérieur. Même sans que soit produite la stabilité mentale(Chiné), s'élèvent les expériences et les réalisations de la vision pénétrante (Lhaktong). Chez d'autres, ce sont les expériences de stabilité qui surviennent, chez d'autres encore, ni les unes, ni les autres.(4)


c) II y a enfin les "persévérants" qui progressent "degré par degré", ceux dont l'enthousiasme et la diligence sont faibles. Ils pratiquent modérément et de façon relâchée. Les expériences de Chiné, puis celles de Lhaktong s'élèvent successivement, puis la combinaison des deux, chaque étape nourrissant l'autre.



- Préparation -



Etant donné que la grande majorité des pratiquants relève de cette dernière catégorie, les instructions de reconnaissance sont données par rapport à celle-ci.

Afin d'accomplir les préparatifs nécessaires à cette démonstration des méthodes, il faut, au moment de ces instructions, disposer un support consacré et arranger joliment des offrandes, des tormas, et tous les ingrédients nécessaires à un festin d'offrandes.


Maître et disciple doivent tous deux prier le Lama et les Trois Joyaux. Il faut s'abstenir de donner ces instructions de reconnaissance à des personnes qui ont détruit leurs samayas, à des êtres très négatifs et à des êtres à l'esprit obtus.



- Etablissement dans la méditation -



Excluant toutes distractions et obstacles, il faut établir le disciple en méditation dans la posture physique adéquate (en cinq ou sept points).



Après qu'il se soit engagé dans les méditations préliminaires, comme on l'a vu précédemment, il faut lui dire de laisser son esprit détendu, dans son mode propre, et de demeurer ainsi. Il doit poser un regard lucide, direct et aigu sur l'essence de l'esprit détendu, maintenir une attention constante sans la moindre distraction, quelles que soient les pensées qui apparaissent, sans produire quoi que ce soit d'artificiel, sans les adopter ni les rejeter de façon délibérée.



C'est ce qu'illustre Saraha lorsqu'il dit :



"Etabli uniquement dans la clarté propre de l'eau ou de la flamme, je ne prends ni ne rejette ce qui va et vient. "



Ceci est l'instruction essentielle sur la clarté/vacuité lucide et aiguë, transparente, dénuée de fixation réaliste, conscience immédiate appelée aussi "conscience ordinaire". Cela n'est pas quelque chose que l'on prendrait d'ailleurs et sur lequel on méditerait, et ce n'est pas non plus l'établissement dans une "méditation" inconsciente. C'est la conscience immédiate, instantanée, qui est attentive, sans distraction, tour à tour de façon détendue et vigilante ; détendue lorsque l'on est assis sur le coussin de méditation et disciplinée entre les sessions.



Tout ce qui s'élève, si on ne le saisit pas, est de lui-même libéré.



Si l'on pratique ainsi, sans saisie, la sagesse primordiale de la Vision Pénétrante s'élèvera.



Comme le dit Gyalwa Yang Gueunpa :



"L'esprit libre de saisie réaliste, la dimension de la vacuité,



"cette connaissance non-intellectuelle, lucidité vide,



"laisse-la demeurer en elle-même et s'observer elle-même, et médite."



Par la méditation, on en viendra à avoir la vision pénétrante de son propre visage comme étant l'essence de l'esprit. (5)



II faut renvoyer les disciples en leur disant de pratiquer ainsi.



- Examen de l'essence de l'esprit -



A ce stade, il faut demander au disciple : cet esprit, comment est-il ? Et comme il a tendance à s'appuyer sur un langage vide, superflu, il faut le presser de questions. Lorsqu'il est interrogé, quelles que soient les expériences qui ont pu s'élever, le disciple peut répondre des paroles futiles, insensées, ou s'engager dans un bavardage inutile.



Aussi l'interrogatoire doit-il être poursuivi de façon réellement approfondie.


Il y a des personnes qui, bien qu'ayant vu le sens ultime, demeurent incapables de l'exprimer. Il faut donc les étudier attentivement pendant cet examen. Si leur expérience est fabriquée ou si c'est seulement une compréhension intellectuelle, ils ne seront pas capables de soutenir ce qu'ils avancent et ils se contrediront. Si leur expérience est authentique, quoi qu'on essaie de leur faire dire, ils seront capables de répondre par oui ou par non ; ils diront : "pour moi, ça s'est passé comme ça...".


Il faut poser les questions adroitement et examiner avec minutie tout ce qui s'élève successivement.


Il ne faut pas donner une partie des instructions qui ne correspondrait pas à une expérience authentique, autrement le disciple pourrait devenir un vaniteux "je sais tout" et pourrait aller jusqu'à troubler la méditation des autres. Dans ce cas-là, il faudrait le renvoyer méditer en lui disant qu'il n'a pas eu la vision, la reconnaissance de la nature fondamentale et qu'il lui faut revenir avec une expérience véritable.



- Vision Pénétrante dans l'esprit au repos



Lorsqu'il examine la non-conceptualité, le disciple peut dire :



"Au niveau de cet esprit stable, il n'y a rien du tout". Puisque alors la Vision Pénétrante ne s'est pas élevée, il faut le renvoyer pour qu'il continue à observer son esprit quelques jours de plus.



S'il affirme : "Il y a une vacuité vide, complètement insaisissable", il n'en a reconnu qu'un aspect, pas la totalité. Aussi, afin d'acquérir une certitude absolue, il doit poursuivre sa recherche sans distraction. Il devra examiner encore afin de voir si la vacuité est une vacuité "en soi" ou si cette vacuité est comme un mode d'être, une qualité. S'il répond : "La conscience n'est pas objectifiée, mais il demeure une clarté nue, vibrante, sans qu'il y ait quelqu'un qui voit ni quelque chose à voir. Ainsi, l'on ne peut affirmer que ce qui est observé soit quelque chose dont on peut dire "c'est comme ça", et je ne sais comment l'exprimer", ou bien, si la réponse est : "l'esprit demeure dans la vacuité stable, claire, transparente bien que non objectifiée", c'est que l'expérience est là mais qu'il lui est difficile de l'exprimer.



Dans ces deux cas, il faut le presser de questions afin de voir si c'est seulement une compréhension intellectuelle, auquel cas il ne sera pas capable d'aller plus loin, ou si c'est une expérience, et dans ce cas, ses réponses seront claires, assurées et solides.



Ceci est la manifestation de la Vision Pénétrante dans l'esprit au repos.



- Vision Pénétrante dans l'absence de concept -



II arrive que le disciple soit établi dans une recherche matérialiste avec des interrogations sur l'origine de l'esprit, son lieu de disparition, etc... (6) S'il se fixe là-dessus et s'il s'en explique de manière superficielle, cela est le signe qu'il n'y a pas de compréhension.


S'il affirme : "Il n'y a rien qui apparaisse ou qui disparaisse", il faut lui demander si, au moment de cette découverte, s'élève une pensée discursive qui dit que c'est comme cela. S'il répond qu'il y en a une, il faut qu'il s'en retourne observer cette pensée discursive. S'il soutient : "bien qu'il y ait compréhension que n 'existe ni apparition ni cessation, il n'y a pas de pensée discursive pour l'affirmer", ceci est la manifestation de la Vision Pénétrante dans l'absence de concept, et on lui donnera alors les instructions montrant le Dharmakaya comme étant la conscience/vacuité coïncidentes.



- Vision Pénétrante dans la clarté/vacuité -



Lorsque le disciple examine la pensée, s'il affirme : "il n'y a pas de production ou de cessation, on demeure seulement dans la vacuité", et s'il emploie des termes choisis, c'est qu'il est en train de mentir.



S'il dit : "bien que la pensée s'élève, elle n'est pas saisie comme objet ", il faut lui demander si cela provient d'une pensée discursive. S'il déclare: "une telle pensée ne s'élève pas, il n'y a ni sujet qui saisit ni objet saisi, il y a seulement production et dénouement simultanés des pensées", ceci est la reconnaissance du Dharmakaya comme étant l'union de la clarté/vacuité.



- Vision Pénétrante dans la manifestation -



Lorsqu'il fonde son observation sur les objets des cinq sens, la forme, etc..., si le disciple dit : "l'objet est extérieur, lumineux et clair ", il faut lui demander si une pensée qualifiant cet objet de lumineux et de clair est présente ou non et l'envoyer examiner le penseur.



S'il répond après examen : " une telle pensée n'apparaît pas, l'objet même est inobstrué, ouvert, au-delà de toute limite, et l'esprit qui observe n 'est pas saisi comme sujet mais reste détendu, libre d'anxiété. Les deux (sujet et objet) ne sont absolument pas distincts, sans même l'idée qu'il puisse en être ainsi", si telle est la réponse, c'est l'apparition de la Vision Pénétrante dans la manifestation. Telles sont les instructions essentielles sur le Dharmakaya comme étant l'union de l’apparence et de la vacuité.



- Sagesse Primordiale de la Vision Pénétrante -



Tout ceci sont des moyens utilisés dans la recherche de la Vision Pénétrante basée sur la stabilité mentale (Chiné). C'est ce qui est nécessaire pour l'observation de l'essence de la méditation. Ce qui est appelé "conscience auto-connaissante" ou "conscience autonome" n'est rien d'autre que la vision de l'essence de son propre esprit qui s'élève d'une observation détaillée. La sagesse primordiale de cette conscience auto-connaissante a pour nature l'essence de la grande béatitude qui est par elle-même le Mahamoudra (Grand Sceau).

Sans observer l'essence de sa méditation, l'essence de l'esprit n'est pas vue, cette sagesse auto-connaissante n'est pas reconnue, et sans cette reconnaissance, on ne sera pas capable de réaliser la sagesse primordiale de la Vision Pénétrante qui est grande félicité.

Aussi est-il essentiel d'observer l'esprit. Dans tous les cas, quelle que soit la façon dont le disciple appréhende son expérience individuelle, il faut s'assurer qu'elle n'est pas seulement une compréhension intellectuelle mais l'envoyer méditer en lui disant de revenir muni d'une expérience indubitable.

Si le disciple répond, lorsqu'il est questionné, que l'esprit demeure clair et détendu, ou transparent et brillant, ou profondément lumineux, c'est qu'il y a une forme de certitude mais qu'il est incapable de l'exprimer. Observant son propre esprit, s'il dit qu'il n'y a pas la moindre objectivation, c'est qu'il y a reconnaissance véritable. S'il dit que l'expérience demeure non focalisée, il faudra l'instruire pour qu'il passe d'une compréhension mentale à une expérience qui ne soit pas conceptuelle. Ce qu'il faut, c'est lui montrer la nécessité d'une reconnaissance qui vienne de l'expérience personnelle et pas seulement d'une compréhension intellectuelle.

Aussi faut-il lui dire de ne pas s'engager dans une multitude de processus analytiques mais de se focaliser sur l'essentiel et de méditer selon les injonctions du Lama. Il doit continuer à méditer jusqu'à ce qu'expériences et réalisations s'élèvent. Celles-ci une fois produites, lui seront données les instructions essentielles.

Il n'est pas certain qu'il soit nécessaire d'enseigner d'un coup tous les aspects de ces instructions de reconnaissance. Les instructions essentielles doivent être données de façon progressive selon les signes de reconnaissance du disciple, selon ce qui s'élève et la façon dont cela s'élève.




NOTES


(explications de Lama Guendune Rinpoché)


1- II faut chercher l'essence de l'esprit jusqu'à obtenir une conviction, jusqu'à ce qu'il y ait une certitude. Il faut en arriver à se dire : "ah ! ça y est." Sinon, on demeurerait inquiet.


2 - Lorsque l'esprit est au repos, il ne projette, n'émane rien ; sinon, puisque le monde extérieur est une projection de l'esprit, est-ce que l'esprit, lorsqu'il est en mouvement, se projette en les cinq éléments (terre, eau, feu, air, espace) et les six classes d'êtres (dieux, titans, humains, animaux, esprits avides, êtres infernaux) ?


3 - On produit dans l'esprit une pensée comme objet de connaissance et on cherche la différence qu'il peut y avoir entre le connaisseur au repos et le connaisseur en mouvement. Il faut en arriver à voir qu'il n'y a pas de différence entre les deux, sinon on serait tenté de penser qu'il y a un "bon" et un "mauvais" esprit, alors que c'est toujours le même. Le processus de recherche doit être entrepris sur ce schéma : à partir d'une compréhension intellectuelle, on développe une expérience réelle d'où vient la certitude.


4 - Chiné et Lhaktong sont des étapes (qui correspondent aux quatrième et cinquième des Onze Points à méditer). Ce type de méditants atteignent les étapes supérieures sans forcément passer par des expériences de Chiné et de Lhaktong. Ils progressent autrement, d'une manière illogique.


5 - La Vision Pénétrante est le moyen qui nous permet de reconnaître l'essence de l'esprit. De même qu'on ne peut voir son propre visage avec ses propres yeux, de même on ne peut voir l'essence de l'esprit. Celle-ci s'élève et s'accroît comme la lune dans le ciel.


6 - Une fois que l'on est parvenu à une certitude quant à la non-existence intrinsèque de l'essence de l'esprit (qu'on n'a découvert ni forme ni couleur pouvant la qualifier, ni lieu d'apparition, etc...), il n'est plus nécessaire de rester dans une recherche discriminante. Cela risquerait de devenir un jeu intellectuel qui nuirait à la méditation.
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